Écrire de bons dialogues

Publié par Agnesb62 le

Suis-je moi-même capable de le faire ? Il est clair que d’avoir fréquemment des retours positifs pour ceux qui parsèment mes livres m’a toujours fait plaisir. Le dialogue, à mon sens, est la sève du récit. Sans doute est-ce pour cette raison que je leur accorde un soin particulier, sensible à leur musicalité et à leur réalisme aussi, tant sur le fond que sur la forme.

Rien ne m’est plus désagréable dans un livre, roman ou nouvelle, d’être « prise » par le récit et de tomber soudainement sur un dialogue bancal, ampoulé, voire mauvais. Au risque de paraître un peu triviale, selon moi, cela «  fout tout par terre ».

Audiard MichelMais pourquoi certains auteurs s’empêtrent-ils dans le travers du genre « je m’en vas te leur concocter des phrases hypra littéraires, ils ne pourront pas dire que je ne sais pas écrire »

Et bien je le leur dis, zou ! Ils ont tout faux.

C’est vrai, le français est une langue magnifique, qui se prête volontiers au « grand style », et à la « littérature ». Certes, mais le dialogue est avant tout du vécu ! Et nous ne sommes plus au temps de Stendhal ou de Balzac ! Le cinéma est passé par là, et il peut être un fabuleux outil d’explication de l’importance extrême d’un bon dialogue.

Si je vous dis Audiard, ça vous interpelle au niveau de votre vécu ? Non pas Jacques, excellent scénariste et cinéaste au demeurant, mais bel et bien Michel, son légendaire paternel, dont la truculence et l’esprit d’à-propos ont fait les grands jours du cinéma des années 60 et 70. Ses atouts maîtres étaient d’appréhender le récit par tous ses aspects : écriture, dialogue, scénario et réalisation.

Car à mon sens, un dialogue, qu’il figure dans un scénario ou un roman, avant de s’écrire doit se vivre ! Lorsque j’écris uneAudiard Jacques scène, je la vois avant de la coucher sur le papier. Souvent, mes doigts ne tapent pas assez vite sur le clavier, parce que les phrases sortent d’elles-mêmes de ma tête. Je deviens alors quasiment schizophrène, me coulant tour à tour dans la peau de chacun de mes protagonistes pour trouver les mots justes, les formulations qui collent à leur personnalité.

Deux erreurs fondamentales me vrillent particulièrement les nerfs… 🙁

D’abord, avoir la désagréable sensation à la lecture d’un dialogue qu’il n’y a qu’une seule personne qui « parle » et que toutes les phrases pourraient être dites par tous les protagonistes du récit.

RohmerPire encore est la situation où je ne peux « dire » le dialogue, c’est à dire encore une fois, le vivre. Certains auteurs se croient obligés d’utiliser des mots pompeux, de bannir toute grossièreté, formules imagées et autres accents. Mais un enfant qui s’exprime comme une grande personne, surtout s’il vit en ce début de vingt-et-unième siècle, cela n’a aucune raison d’être ! Si un étranger parle le français comme Jean d’Ormesson, je n’y crois pas une seconde ! Et « causer dix-huitième siècle » à notre époque sonne définitivement faux ! Sauf peut-être chez Rohmer, mais ça, c’est une autre histoire ! Rohmer a su créer « son » style, très « écrit », comme Truffaut également en avait été capable. Cela leur a été possible parce qu’ils écrivaient pour le cinéma et que les dialogues étaient portés par l’image. Et qu’ils avaient un talent hors norme. 🙂

Alors amis auteurs, je vous en supplie, la prochaine fois que vous écrirez des dialogues, mettez-vous réellement dans la peauTruffaut de vos personnages, n’hésitez pas à les dire à haute voix, à mettre l’intonation et être fidèle à la personnalité de chaque personnage. Jouez-les, donc, devenez acteurs en quelque sorte, pour entendre leur authenticité ou au contraire leur lourdeur. Faites-le seul ou avec un ou une partenaire, si cela vous est plus facile. Vous réaliserez à quel point ils sont insupportables lorsqu’ils sonnent faux, et tout au contraire, combien ils mettent en valeur le reste de votre prose lorsqu’ils la soutiennent de leur justesse.

Un récit que je ne peux « vivre » ne m’intéresse pas… 🙂


Agnesb62

Autrice, romancière, romans historiques, romans policiers, nouvelles, essais sur les compositrices

3 commentaires

Mpi · 27 mars 2015 à 19h06

J’ai la même technique que toi pour « tester » mes dialogues! ^^ Et c’est presque le plus dur, en fait, à écrire… et Ô combien important !

Cathy · 27 mars 2015 à 19h26

J’kiffe grave ta bafouille !

agnesb62 · 27 mars 2015 à 19h29

Ben moi, je le reconnais, c’est ce que je préfère… 🙂

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