La problématique des héros récurrents
Je la connais un peu puisqu’en tant qu’auteure, je m’en suis créé un de toutes pièces. En même temps, dès mon second opus, je l’ai placé en retrait, lui faisant jouer un « second » rôle, comme si dès le départ je me méfiais de cet usage.
Voilà une quinzaine, je parlais de Simenon et de Maigret. L’auteur avait réussi, ce qui est rare en littérature, à faire de son personnage un vecteur pour parler des autres. Maigret, plus en observateur qu’en acteur majeur, que nous retrouvons de livre en livre sans avoir l’impression de lire toujours le même ouvrage.
Paradoxe. Car cette impression, je dois bien reconnaitre que je la recherche en partie lorsque je me « rue », ou plutôt me ruais sur le dernier Vargas, Mankell ou Indridason. Comme si je voulais retrouver un ami cher. Mais au fil des lectures de ces auteurs la sensation trop vive de « déjà-vu », ou plutôt de « déjà-lu » provoque à présent une forme de ras-le-bol, comme la petite musique de Modiano a fini par me « saouler »…
Je viens d’achever Les nuits de Reykjavik du susmentionné islandais. Et j’avoue une sensation d’inachevé et donc de frustration.
Avant toute chose, 4ème de couv :
« La mort inexpliquée d’un sans-abri qu’il croisait à chacune de ses rondes obsède un jeune policier. Intuitif et obstiné, il juge la thèse de l’accident douteuse. Dans la nuit boréale, entre foyers de clochards et planques de dealers, il sillonne Reykjavik, déterminé à résoudre ce mystère. Ce policier n’est autre qu’Elendur ».
Le postulat de départ est excellent. Nous narrer de quelle manière Erlendur devient Erlendur. Chouette ! On va apprendre plein de choses sur le bonhomme… Que nenni ! Rien de bien neuf sous le soleil, que nous ne sachions déjà par la lecture des précédents opus. Car les informations concernant son caractère, pas le plus histrionique qui soit, ne nous révèlent rien de bien nouveau.
L’histoire se passe en général la nuit pour nous décrire la manière dont le jeune policier veut comprendre la mort d’un SDF, toute la persévérance, voire l’obstination qu’il y met. Les descriptions réalistes de l’univers hostile des clochards et de la lente décrépitude d’un homme aux prises avec les tourments de son passé et de sa culpabilité sont réussies.
En revanche, que de lourdeurs dans la narration de l’enquête. Que de répétitions inutiles. Que de scènes aux descriptions oiseuses. J’aurais tendance à dire, tout ça pour ça ! Le récit aurait à mon sens mérité, soit d’être resserré, soit d’être étoffé. Comme le roman mène de front plusieurs histoires, certaines auraient pu d’être développées ou supprimées. L’ensemble interminable donne une impression à la fois d’inachevé et d’amoncellement de vides.
Évidemment, comme c’est de l’Indridason, cela reste bien meilleur que tant d’autres livres. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le lire. Je dis simplement que venant de cet auteur, je m’attendais à mieux… J’ai encore à lire Étranges Rivages… J’espère être plus enthousiaste ! 🙂
0 commentaire
claudecolson · 28 février 2016 à 9h21
Remarque à la marge : tiens, moi aussi la petite musique de Modiano, très longtemps appréciée, a fini par me déplaire ; idem pour le ton éthéré de Bobin que je n’ai plus du tout goûté dans Noireclaire. 😉
isabelle · 28 février 2016 à 10h55
Je trouve votre remarque très juste et très à propos pour bons nombres d’auteurs.