Je viens d’une famille…
Depuis très longtemps, j’ai fait miennes deux phrases célèbres de non moins célèbres auteurs, j’ai nommé André Gide et Woody Allen.
– « Famille, je vous hais »
– « Je préfère l’incinération à l’enterrement et les deux à un week-end avec ma famille »
Si j’étais superstitieuse, je dirais que cela m’a portée une sacrée poisse. Étant de nature plus pragmatique, je dirais qu’ils ont mis tous les deux le doigt dans le mille. Hélas…
Lors du mariage d’une de mes amies, il y a déjà presque vingt ans, j’ai été amenée à lire un texte à l’église. Je devais dire : « Protégez-nous de la famine »… Ayant démarré depuis quelques mois une psychanalyse, mon inconscient me joua un tour et me fit déclamer : « Protégez-nous de la famille ». Lapsus révélateur s’il en est, prédiction d’un naufrage inéluctable sur lequel je n’ai jamais eu aucune prise !
La famille est ce cercle qui peut être délicieux ou diabolique, le lieu où se cristallise à l’âge adulte toutes les rancœurs accumulées durant l’enfance et l’adolescence, où la vengeance de ce qu’on pense avoir manqué ou subi prend corps au travers de silences, d’absences, de reniements inexpliqués même si explicables, voire d’agressions verbales jetées comme autant de crachats revanchards.
Il faut comprendre une chose très simple. Le lien du sang n’est rien. On a beau avoir été élevé dans une fratrie, les souvenirs varient d’un enfant à l’autre. Bons ou mauvais, ils illuminent ou empoisonnent les relations futures jusqu’à la fin, généralement période de regret, de remord, ou au contraire d’apaisement lorsque tout a été dit, vécu, ressenti et accepté.
Je viens d’une famille où les mots sont tabous, où la parole a été crucifiée dès le départ, ou dire équivaut à violer. Je viens d’une famille qui depuis des générations rejoue le même terrible scénario de la rupture, de la rancune et de la vengeance au travers de l’absence. Je viens d’une famille où l’argent pourrit tout, vecteur dérisoire de ce que l’on veut récupérer lorsque l’on est persuadé que l’on n’a pas eu ce qu’on pensait devoir recevoir et que l’on croit que d’autres l’ont eu à votre place… Je viens d’une famille où les frères et sœurs ne se parlent plus, où les cousins et cousines ignorent tout les uns des autres, où les parents vieillissent seuls, abandonnés par leurs enfants et leurs petits-enfants, sans pourtant avoir nécessairement démérité.
Je viens d’une famille… Quelle famille ?
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