Deux princesses bien ennuyeuses…

Publié par Agnesb62 le

J’adore l’Histoire, la grande comme la petite. La seconde apporte souvent à la première un éclairage humaniste qui nous permetJean Piat Rois Maudits de mieux comprendre les aléas rencontrés par les puissants qui nous ont gouvernés. Et on ne peut rien comprendre des événements contemporains si l’on ignore tout de la manière dont les Empires se sont construits puis effondrés, avant parfois de renaître de leurs cendres.

Notamment, mon goût pour l’Histoire est né d’une série-télé, vue au début des années soixante-dix, Les rois maudits. À l’époque, je n’ai d’ailleurs pas eu le droit de regarder le second épisode, jugé par mes parents trop « osé » pour la petite fille que j’étais. Je conserve un souvenir fasciné de Jean Piat, interprétant le Comte Robert d’Artois, s’adressant à Isabelle, reine d’Angleterre, et lui susurrant du « ma belle cousine » d’un air à la fois gourmand et respectueux. 🙂

Naturellement, personne ne peut témoigner que les choses se sont déroulées ainsi que le prétend Druon. Les archives restent, les êtres sont morts. Cependant…

Je viens de finir L’Echange des princesses de Chantal Thomas. L’argument en est fort intéressant. Lisez plutôt, 4ème de couv.

couv l'echange des princesses« En 1721, Philippe d’Orléans est Régent, dans l’attente que Louis XV atteigne la maturité légale. L’exercice du pouvoir est agréable, il y prend goût. Surgit alors dans sa tête une idée de génie : proposer à Philippe V d’Espagne un mariage entre Louis XV, âgé de onze ans, et la très jeune Infante, Maria Anna Victoria, âgée de quatre ans, qui ne pourra donc enfanter qu’une décennie plus tard. Ce laps de temps permet l’espoir d’un « malheur » qui l’assiérait définitivement sur le trône de France… Et il ne s’arrête pas là : il propose aussi de donner sa fille, Mademoiselle de Montpensier, comme épouse au jeune prince des Asturies, futur héritier du trône d’Espagne, pour conforter ses positions. La réaction à Madrid est enthousiaste, et les choses se mettent vite en place. L’échange des princesses a lieu début 1722, en grande pompe, sur une petite île au milieu de la Bidassoa, la rivière qui fait office de frontière entre les deux royaumes. Tout pourrait aller pour le mieux. Mais rien ne marchera comme prévu. Louis XV dédaigne l’Infante perdue dans l’immensité subtile et tourbillonnante du Louvre et de Versailles ; en Espagne, Mademoiselle de Montpensier ne joue pas le jeu et se refuse à son mari, au grand dam de ses beaux-parents Philippe V et Élisabeth de Farnèse. À la fin, un nouvel échange a lieu, beaucoup plus discret cette fois : chacune des princesses retourne dans son pays… »

Le XVIIIème siècle est une époque clé pour comprendre les suivants. Il démarre avec la fin laborieuse du règne de Louis XIV, à la fois constitutif de la France en tant qu’État et tellement destructeur pour le peuple, puis viennent les Lumières, berceau de la Révolution, elle-même ferment de l’Empire napoléonien et des Républiques futures.

J’étais donc fort curieuse de savoir de quelle façon les protagonistes eux-mêmes vivaient ces mariages arrangés. Et là, laLouis XV & l'infante d'Espagne déception a été terrible, tellement je me suis ennuyée à la lecture d’un ouvrage qui se veut roman et se révèle être l’accumulation de lettres et billets, me donnant l’impression que Chantal Thomas a hanté les archives des deux côtés des Pyrénées, puis a empilé les dates et les faits ainsi qu’elle l’aurait fait de perles, sans jamais s’intéresser réellement à ses personnages, et ne parlons pas de ses potentiels lecteurs. Jamais elle ne prend le recul nécessaire par rapport au récit. Jamais elle n’analyse ce que vivent et ressentent les personnages. Son style est lourd, avec des phrases interminables, au point que l’on se perd dans la nébuleuse de son récit. Elle passe de Madrid à Versailles, et de Versailles à Madrid, sans faire aucun lien dans son récit, comme si elle s’était rendue compte que les deux épisodes « matchaient » et ait profité de l’aubaine. Tout simplement, son livre n’est pas « écrit » et c’est là son défaut majeur. Le style en est lourd, rigide, superficiel, terriblement ennuyeux. À aucun moment il ne permet de se projeter dans l’histoire. Sincèrement, le refermer sur la dernière page a été une libération 🙁

Selon moi, un roman historique n’est pas là pour nous raconter la réalité crue – pensons à Alexandre Dumas – mais au contraire pour la transcender, sans nécessairement s’éloigner trop de la vérité des faits, d’ailleurs. Cependant, comment croire qu’une gamine de trois ans, même infante d’Espagne, puisse tomber amoureuse d’un orphelin de sept ans son aîné (le futur Louis XV) et lui déclamer sa flamme ainsi que le ferait une femme accomplie ? Quant à la pauvre folle que devient la fille du Régent, mariée au prince des Asturies, elle ne s’en tire pas mieux. Le récit de ses méfaits et de ses errances n’est que répétition de page en page. Dommage vraiment, car la manière par laquelle on usait et abusait des destinées des enfants et adolescents dans les cours européennes, mariant puis démariant les uns avec les autres au gré des alliances et des guerres, est un sujet diablement intéressant.

J’ai un souvenir ébloui des biographies de Zweig. J’hésitais à lire Les Adieux à la reine, ayant aimé le film de Benoît Jacquot. Je crois que je vais rester sur la Marie-Antoinette du génial écrivain autrichien… 😉


Agnesb62

Autrice, romancière, romans historiques, romans policiers, nouvelles, essais sur les compositrices

0 commentaire

Mpi · 2 mai 2015 à 18h48

C’est vrai que c’est dommage, le sujet méritait un autre traitement ! Pour moi, « Les rois maudits » ça reste l’œuvre magistrale de Druon, que je me relis environ tous les deux ou trois ans, comme mon père avant moi… Tiens, d’ailleurs il est temps que je m’y remette ! 🙂

    agnesb62 · 3 mai 2015 à 8h46

    Moi aussi, la relecture de Druon est prévue cet été… 😀

claudecolson · 3 mai 2015 à 7h32

En tout cas, on est prévenu ! 🙂

Sev · 4 mai 2015 à 9h46

Ah c’est vraiment dommage! Moi je me delecte des romans de Philippa Gregory, qui a notament ecrit la saga des Tudors. Tres bien renseignes, ses livres sont souvent une ode a la femme au moyen-age.

    agnesb62 · 4 mai 2015 à 9h47

    J’avoue mon inculture… Je vais donc aller fouiller ! merci du conseil 😉

      Sev · 4 mai 2015 à 9h56

      la plupart de ses livres n’ont pas ete traduits en francais, donc si tu lis en anglais, tu pourras avoir acces a un plus large choix. En francais: Deux soeurs pour un roi, qui raconte l’histoire des soeurs Boleyn et du roi Henry 8 d’Angleterre, et la Reine clandestine (celui par lequel j’ai commencé, et qui m’a ouvert les portes des dynasties du trone d’Angleterre).

Thierry · 9 mai 2015 à 16h40

Cet article très intéressant (j’ai toujours été un dévoreur de romans historiques) m’a fait remonter à la mémoire la polémique qui s’est déroulée, il y a de cela de nombreuses années entre Christian Jacq et Christiane Desroches-Noblecourt, tous deux égyptologues passionnés et passionnants. Pour arbitrer (dans mon cerveau, bien sûr, pas en public), j’ai lu en même temps le Ramsès II de Desroches-Noblecourt et les 5 volumes de Christian Jacq sur Ramsès ! J’ai eu le temps de lire les 5 volumes de C. Jacq avant de terminer celui de Desroches-Noblecourt. Evidemment, le point de vue de chacun est différent, le premier ayant traité son sujet en forme de roman, en ayant réinventé les vies et sentiments du Pharaon et de ses proches, la seconde ayant conservé toute la rigueur scientifique dans son exposé. Les deux m’ont passionné mais avec une grande longueur d’avance pour Jacq, parce qu’il y mettait des émotions, de la couleur.
Merci Agnès, pour cette belle et talentueuse critique.
PS : je garde le même souvenir ébloui des œuvres de Stéphane Zweig.

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